L’Autorité de développement des cultures arboricoles : Aperçu

La filière des cultures arboricoles est devenue l’une des filières à fort potentiel économique du secteur agricole du Ghana. Au-delà des quelque 16 milliards de dollars EU de revenus annuels que le pays tirera de cette filière à partir de 2028 selon le ministre ghanéen de l’Alimentation et de l’Agriculture, Dr Afriyie Akoto, celle-ci contribue de manière significative à la création d’emplois et aux revenus des ménages. Concernant la sous-filière du cajou, l’Alliance pour le Cajou Africain (ACA) estime qu’elle fournit des emplois directs et indirects à environ 2,5 millions d’Africains, constituant la principale source de revenus pour environ 1,8 million de familles en Afrique de l’Ouest. Au Ghana, près d’un million de familles dépendent de la filière du cajou, à l’instar des autres sous-filières. L’Alliance mondiale pour le karité (GSA) estime que « plus de 16 millions de femmes rurales en Afrique contribuent au revenu de leur ménage en collectant et en transformant les amandes de karité ». Il est par conséquent devenu très nécessaire que l'industrie des cultures arboricoles soit correctement développée et réglementée en Afrique. Dans mes précédents articles consacrés au rôle que les gouvernements africains doivent jouer dans le renforcement de la filière du cajou et aux raisons pour lesquelles les transformateurs locaux de cajou ne pouvaient pas tirer parti de la pandémie de Covid-19, j’ai souligné la nécessité de mettre en place les structures et les politiques réglementaires adéquates pour donner des moyens d’action aux producteurs et aux transformateurs locaux ainsi qu’aux autres acteurs locaux de la chaîne de valeur du cajou. Dans le cas du Ghana, je me suis joint à l’ACA et à l’Association des transformateurs de cajou du Ghana (ACPG) pour demander que des mesures immédiates soient prises afin de constituer et de rendre pleinement opérationnelle l’Autorité de développement des cultures arboricoles (TCDA).

Dans le cadre de ce qui est devenu la plus importante initiative de la filière des cultures arboricoles, le Président de la République du Ghana, Nana Addo Dankwa Akuffo-Addo, a officiellement installé la TCDA le mardi 29 septembre 2020 à Kumasi, la capitale de la région d’Asante, qui abrite désormais le siège de l’Autorité. L’Autorité ayant été officiellement installée, le présent article donne un aperçu de ce qu’est la TCDA, de ses fonctions et de l’avenir de la filière des cultures arboricoles au Ghana conformément à la règlementation de la TCDA.

Contexte de la TCDA

L’Autorité de développement des cultures arboricoles est un organe créé en vertu d’une Loi du Parlement, en l’occurrence la Loi portant création de l’Autorité de développement des cultures arboricoles (Loi n°1010), sous la forme d’une structure de régulation des six cultures arboricoles suivantes au Ghana : cajou, karité, mangue, noix de coco, caoutchouc et palmier à huile.

Le projet de loi a été présenté en première lecture au Parlement le 4 juillet 2019 après plusieurs consultations entre le ministère de l’Alimentation et de l’Agriculture (MOFA) et les acteurs. Il a été renvoyé à la Commission des affaires alimentaires, agricoles et cacaoyères du Parlement. Le 14 novembre 2019, le rapport de la Commission a fait l’objet de discussion au Parlement et le projet de loi a été présenté en seconde lecture. Après avoir été examiné du 27 novembre au 2 décembre 2019, période au cours de laquelle chaque clause a été passée au peigne fin, il a été adopté le 2 décembre 2019 et approuvé par le Président le même mois.

Le Directeur général de l’Alliance pour le Cajou Africain (ACA), M. Ernest Mintah, dont l’équipe a été partie prenante majeure à la rédaction du projet de loi, explique que la loi est devenue nécessaire pour aider à exploiter le potentiel de l'industrie des cultures arboricoles du Ghana et devenir un moteur économique majeur. Selon le Directeur général, en 2016, le secteur public avait pris l’initiative d’organiser la filière par le biais de la politique de culture arboricoles (2012), « avec la volonté affichée de représenter les intérêts des producteurs, d’accroître la production et l’ajout de valeur » ; par conséquent, le lien entre les acteurs de l'industrie s'en trouve de plus en plus renforcé. Il explique que la Politique sur les cultures arboricoles a recommandé la mise sur pied d’une autorité de régulation par le gouvernement du Ghana et le secteur privé. Il ajoute qu’une culture comme celle du cajou a été déclarée culture de rente et a besoin d’une réglementation adéquate, au même titre que les autres cultures arboricoles, dans le but de tirer le meilleur parti de la filière. Faisant allusion au discours du Président lors de la cérémonie d’installation, M. Mintah a déclaré que le Ghana a également décidé de se départir de sa dépendance excessive à l’égard du cacao et a donc perçu la nécessité de la diversification en réglementant de manière adéquate la filière des cultures arboricoles. 

Fonctions de la TCDA  

En général, à l’instar du rôle que le Ghana Cocoa Board joue dans la filière du cacao, l’Autorité de développement des cultures arboricoles (TCDA) est maintenant l’organe chargé de la réglementation et du développement de la production, de la transformation, du négoce et de la commercialisation de six cultures arboricoles au Ghana. Selon l’Article, elle doit assumer sept fonctions principales.

Par le biais du fonds de développement des cultures arboricoles, l’Autorité est chargée d’identifier et de développer des sources de financement durables pour la filière des cultures arboricoles. Elle est également chargée de promouvoir et de soutenir le développement de la filière, ainsi que de collecter des données statistiques sur la chaîne de valeur des cultures arboricoles, de conseiller le gouvernement et le secteur privé sur les questions liées au développement de la filière.

Malgré les efforts de l’Alliance africaine du cajou et d’autres partenaires au sein de la sous-filière du cajou visant à fournir un soutien technique aux acteurs de la chaîne de valeur du cajou, un soutien technique et entrepreneurial inadéquat et, dans certaines sous-filières, le manque de soutien et une coordination inadéquate restent des défis majeurs pour la filière. La TCDA a donc été chargée de fournir des conseils techniques aux acteurs de la chaîne de valeur des cultures arboricoles et d’améliorer le commerce de ces cultures, tout en coordonnant et en facilitant le renforcement des capacités des exploitants agricoles, des transformateurs, des négociants et des exportateurs.

On ne peut sous-estimer le rôle de la recherche dans la quête du Ghana visant à développer sa filière des cultures arboricoles. S’exprimant au cours d’une table ronde sur le rôle de la recherche dans la sous-filière du cajou, lors de la conférence annuelle sur le cajou organisée par l’ACA en septembre 2020, le Directeur exécutif du Conseil international consultatif du cajou (CICC), André Tandjekpon, a déclaré que la recherche était très pertinente et cruciale pour l’avenir de la sous-filière du cajou et, par ricochet, de la filière des cultures arboricoles ; c’est pourquoi, il a invité les gouvernements à en faire une priorité. A cet égard, l’Autorité est chargée d’entreprendre, d’aider et de promouvoir la recherche scientifique, technologique et économique dans le domaine des cultures arboricoles. Dans son discours lors de l’installation de l’Autorité, le Président de la République a assuré que des efforts systématiques étaient déployés [par le gouvernement] pour mobiliser le financement aux fins de la mise à niveau des institutions de recherche concernées, en vue de contribuer au développement efficace de la filière. Par ailleurs, l’Autorité servira d’organe d’octroi d’agrément pour les acteurs de la chaîne de valeur des cultures arboricoles.

Composition du Conseil d’administration

La TCDA est régie par un Conseil d’administration de 29 membres, dirigé par le secteur privé. Sur les 29 membres, six (le Président du Conseil, le Directeur général et ses deux adjoints et deux autres membres) sont issus du secteur public et nommés par le Président. Chacune des six filières des cultures arboricoles sélectionnées compte quatre membres représentés au Conseil d’administration, soit un total de 24 membres. Selon l’Article, le Président peut toutefois nommer d’autres membres du personnel de l’Autorité pour éventuellement améliorer l’accomplissement des fonctions de celle-ci. L’Article indique également qu’un membre du Conseil d’administration est nommé pour un mandat de trois ans renouvelable. Les indemnités des membres du Conseil d’administration sont approuvées par le ministre de l’Alimentation et de l’Agriculture, qui assure la supervision de l’Autorité, en concertation avec le ministre des Finances. Le premier Président du Conseil est un banquier averti, M. Stephen Sekyere-Abankwa, qui, selon le Président du Ghana, a une grande expérience dans le développement et le financement des produits de base. L’ancien vice-ministre de l’Agriculture, M. William Quaitoo, sera le premier Directeur général (CEO) de l’Autorité et il sera assisté de deux adjoints, à savoir : M. Yaw Osie Oteng, en charge des finances et de l’administration, et M. Foster Boateng, en charge des opérations.

Conclusion : L’avenir des cultures arboricoles dans le cadre de la TCDA,

La Côte d’Ivoire (avec 750 000 tonnes) et la Tanzanie (avec 300 000 tonnes) sont aujourd’hui les deux grands producteurs de cajou en Afrique, avec près de 80% du taux de production africain, et sont par ailleurs deux des meilleurs en termes de transformation locale sur le continent. Cette performance s’explique principalement par le fait que ces pays se sont dotés de filières de cajou bien établies, bien réglementées et coordonnées. Ces pays disposent de structures de régulation adéquates : le Conseil du coton et de l’anacarde (CCA) et le Conseil tanzanien du cajou (CBT). 

 C’est aussi pour les mêmes raisons que l’Indonésie et la Malaisie cumulent aujourd’hui 84% de la production et de la transformation mondiales de palmier. Il en ressort simplement que l’installation officielle et l’opérationnalisation de la TCDA constituent une étape importante pour le Ghana dans sa quête visant à développer la filière des cultures arboricoles et à en tirer le meilleur parti.

Pour conclure, il est important d’ajouter que l’avenir de la filière dépend à présent de la qualité des ressources de l’Autorité, de la marge de manœuvre dont celle-ci bénéficie dans l’exercice de ses fonctions, de la compétence et de l’efficacité des membres du Conseil d’administration et du personnel de l’Autorité ainsi que de leur niveau de coopération avec les acteurs de la filière des cultures arboricoles.